Ma foi, ma foi… J’ai entamé cette lecture de Vernon Subutex avec le souvenir lointain mais particulièrement marquant de Baise moi; une découverte de l’auteur qui remonte donc à grosso modo 15 ans: à l’époque j’avais admiré l’écriture sans pour autant crier ô génie: trop trash, trop inutilement violent.
Du coup, il me tardait de voir le chemin parcouru ( d’un côté et de l’autre ), d’autant que les critiques étaient dithyrambiques…
En ressort, en ce qui me concerne, une impression mitigée. Oui, pas de doute là-dessus, Virginie Despentes possède un véritable talent pour l’écriture: son style s’est enrichi, affiné, complexifié. Oui Vernon Subutex est une galerie de portraits ultra-réaliste et fouillée. Oui, il y a une cohérence et une logique dans ce premier tome des désastreuses aventures de ce foutu branque de Vernon.
Mais ( ben oui, z’avez déjà compris que je n’ai pas adhéré ), mais pour moi, pas moyen de craquer pour ce loser, ce parasite d’ ex-disquaire dont la coolitude n’a d’égal que la lâcheté. J’ai lu dans un billet: Vernon, on l’aime ou on le déteste, vous connaissez mon camp. Cette façon qu’ a le personnage d’user et d’abuser de ses connaissances principalement féminines et son reliquat de charme et de sexitude pour obtenir un toit, me donne des envies de meurtre, de carnage… bon, restons modérés, de sacrés coup de pieds au cul.
Autre bémol en ce qui me concerne: la multitude des personnages gravitant autour du défunt Alex Bleach: pas moyen de se souvenir de qui est qui; qui couche avec qui et comment. Et surtout parfois de l’utilité de la sous-histoire dans l’histoire.
Gêné, je l’ai aussi été par les nombreux raccourcis et clichés sur le monde du porno et des sans-abris.
Enfin se repaître dans le sexe trash, dans la violence gratuite, dans le glauque à l’état pur, ce n’est tout simplement pas mon truc; l’impression qu’ aujourd’hui il est de bon ton pour un lectorat bobo de chanter les louanges d’un misérabilisme voyeur; je vais un peu loin mais certaines critiques m’ont littéralement donné la nausée.
Bref, c’est probablement incontournable, mais définitivement pas pour moi ( en même temps, je me pose quand même la question du tome 2… donc, affaire à suivre… ou pas ).
Le Pitch:
QUI EST VERNON SUBUTEX ?
Une légende urbaine.
Un ange déchu.
Un disparu qui ne cesse de ressurgir.
Le détenteur d’un secret.
Le dernier témoin d’un monde disparu.
L’ultime visage de notre comédie inhumaine.
Notre fantôme à tous.
Les Premières lignes:
Les fenêtres de l’immeuble d’en face sont déjà éclairées. Les silhouettes des femmes de ménage s’agitent dans le vaste open space de ce qui doit être une agence de communication. Elles commencent à six heures. D’habitude, Vernon se réveille un peu avant qu’elles arrivent. Il a envie d’un café serré, d’un cigarette à filtre jaune, il aimerait se griller une tranche de pain et déjeuner en parcourant les gros titres du Parisien sur son ordinateur.
Il n’a pas acheté de café depuis des semaines. Les cigarettes qu’il roule le matin en éventrant les mégots de la veille sont si fines que c’est comme tirer sur du papier. Il n’y a rien à manger dans ses placards. Mais il a conservé son abonnement à Internet. Le prélèvement se fait le jour où tombe l’allocation logement. Depuis quelques mois elle est versée directement au propriétaire, mais c’est quand même passé, jusque-là. Pourvu que ça dure.
Au fil des pages:
Cannes, se disait Xavier, c’est la fête de la saucisse avec des putes en Louboutin. Tous à dégueuler leur caviar, le nez plein de coke, après avoir récompensé du cinéma roumain. Les intellos de gauche adorent les Roms, parce qu’on les voit beaucoup souffrir sans jamais les entendre parler. Des victimes adorables. Mais le jour où l’un d’eux prendra la parole, les intellos de gauche se chercheront d’autres victimes silencieuses. Cette bande de baltringues, pensait Xavier, leur grand héros c’était Godard, un type qui ne pense qu’à la thune et qui s’exprime en calembours. Eh bien partant de là, ils ont quand même réussi à dégringoler. Fallait le faire.